Biographie de Geneviève Gazeau

UN PARCOURS EXEMPLAIRE
Par Annie Delrieu, le 28 mai 2014

Geneviève est née en Tunisie et a vécu toute sa jeunesse au Sénégal. Son père était dans la Marine, engagé par la Compagnie des Services Hydrauliques de l’Etat, il emmenait Geneviève avec lui régulièrement en brousse pour assurer la paye des employés, c’est là qu’elle a été sensibilisée à la misère et la souffrance.
Elle est arrivée à Paris en juillet 1970, dans la Direction où je travaillais à la Société ELF et depuis nous ne nous sommes jamais quittées.

Entre 1976 et 1981, Geneviève s’implique activement dans l’association ‘’Aide Universitaire » elle participe aux tournées des rues de 22h à 01h du matin, accompagnée d’étudiants, d’ingénieurs de médecins, de futurs cadres pour faire connaître le monde de la rue.
Dans les années 80, elle est membre de l’association « Aux captifs la libération» qui a pour mission de rencontrer et d’accompagner les personnes de la rue. Elle reçoit une formation ayant comme objectif de faire retrouver le chemin d’une libération et d’une insertion pour les personnes de la rue.

Avant la chute du rideau de fer (1989), elle partait régulièrement en Pologne, (1980 c’était l’époque de Solidarnosc).
Elle louait un camion pour acheminer vêtements nourritures et matériels que nous collections.
Elle allait souvent à Cracovie où elle avait noué des liens très forts avec des intimes du Pape Jean-Paul II. Elle y est allée pendant 15 ans. Elle traversait l’Allemagne de l’est et souvent aux frontières, les autorités ou les insurgés lui faisaient vider son camion, les gens se servaient, elle rechargeait le reste et continuait son parcours.
Elle a beaucoup œuvré avec « SOS Enfants » :
Pendant la guerre civile au Liban, elle est allée porter, médicaments vêtements et nécessaires pour les aider à survivre. Elle allait jusqu’à Chypre et de là, elle prenait un petit bateau avec tout son chargement (elle n’a pas dit toutes les fois où on a tiré sur son bateau pour l’empêcher d’accoster).
Lors d’un de ses voyages au Liban, elle a ramené deux ados Tony et Charbel (les lycées et facultés étant fermés à cause de la guerre, les parents les lui ont confiés afin qu’ils puissent suivre leurs études en France. Elle les a accueillis chez elle. Grâce à Geneviève, ils ont eu leur bac puis un diplôme d’ingénieur en France. Leur sœur Elisar venue en France est restée très proche de Geneviève bien qu’elle soit repartie avec sa famille vivre au Liban.
Avant eux, elle avait élevé ses deux neveux, sa sœur vivant aux Antilles elle lui a envoyé ses enfants alors qu’ils étaient tout jeunes, 5 et 7 ans à peine.
Elle les a élevés jusqu’à la fin de leur adolescence, elle leur a fait faire des activités incroyables voulant en faire des hommes.
Dans les années 1990 guerre en Bosnie-Herzegovine, comme pour la Pologne, elle a acheminé un nombre incalculable de camions, au mépris du danger passant par des chemins minés.
Je me souviens en 1993, du pont de Mostar qui avait sauté juste après son passage, elle s’était retrouvée coincée plusieurs jours. Mais ça ne l’avait pas empêché de continuer ses missions sur Sarajevo et Srebrenica.
Ayant noué de nombreuses relations, elle a continué après la guerre à les aider pour la réinsertion dans le travail, elle leur a transporté, entre autres choses, des stocks de verrières pour permettre à des collectivités de faire des semis à grande échelle.
A chacun de ses déplacements j’étais la personne de confiance qui était appelée si elle avait un problème, et il y en a eu (ça faisait partie du jeu). Les problèmes ont toujours été résolus.
J’allais voir le Directeur du personnel qui faisait intervenir ses appuis pour la sortir de situations souvent périlleuses. D’ailleurs quand il me voyait arriver, il me disait « où est-elle encore coincée et qu’est-ce qu’elle a encore fait ? ». Mais on savait que rien ne l’arrêtait.
Parallèlement, elle faisait faire à ses parents des voyages en camping-car au bout du possible, car elle partait du principe qu’ils avaient voyagés toute leur vie et qu’il ne fallait pas qu’ils s’arrêtent.
Elle les a emmenés à Tchernobyl au moment des problèmes de la centrale nucléaire (1986) pour qu’ils apportent leur aide. Au retour, ils avaient d’ailleurs dû être suivis dans un hôpital et avaient dû prendre de l’iode.
En décembre 1995, elle réalise l’ouverture avec Jacqueline M. et les paroissiens de St Ambroise des « P’tit café » consistant à accueillir de 7h à 8h des amis de la rue.
Après avoir assuré une formation de bénévoles elle ouvre deux autres « P’tit café » situés dans le XIème arr. à St-Joseph et à Ste-Marguerite. Son espoir un « P’tit café » dans toutes les paroisses
En mars 1996, elle crée et ouvre un « P’tit café » à la Défense, voulant faire un pont entre le monde des affaires et le monde de la rue.
En décembre 1998, elle ouvre avec des amis salariés de la Défense « La Maison de L’Amitié ».
En 2003, la création d’un abri de nuit vient en annexe de la Maison de L’Amitié.
Là, encore une sacrée aventure. Geneviève s’occupait du côté relationnel et toute une équipe, notamment avec Françoise P., s’occupait du côté matériel et gestion : il fallait suivre car rien ne l’arrêtait.
En 2008 et à l’origine, la création de l’association « Onze Mille Potes » est destinée à gérer la Bagagerie rue Oberkampf pour les SDF, mais depuis d’autres activités se sont greffées comme les ateliers cuisine…
Avec Claudine M. et l’association Astre, elle a fait des missions humanitaires au Burkina Faso.
Pendant de longues années, avec la Croix Rouge dans le cadre du Samu social, elle faisait les maraudes la nuit pour aller vers ses Amis de la rue.
Avec l’association « Onze Mille Potes » elle a créé le projet de la « Bagagerie »
Aux Métallos avec Joëlle M., elle a initié d’autres projets dont Troc de livres
Aux Ateliers du Chaudron, elle a participé au Parcours « filles femmes » à l’initiative du Comité métallos pour rendre visibles des femmes et des filles et construire ensemble des initiatives dans le quartier de Belleville.
Elle a aussi participé aux missions avec les sœurs ‘les Orantes’ de Bonnelle.
Depuis plus de vingt ans, elle a croisé la route de Frère Daniel, ils ont eu des liens mystiques très forts et ont vécu une grande période de fraternité spirituelle hors du commun.
En 2009, des signes de pertes de mémoires importants ont alertés ses proches et je l’ai donc emmenée consulter un psychiatre qu’elle connaissait de la Maison de l’Amitié et aussitôt, il nous a dirigées vers un centre agréé afin de faire diagnostiquer sa maladie.
Mais Geneviève se bat très entourée de tous ses fidèles amis qui ne cessent de se relayer auprès d’elle : juste retour des choses.
Malgré sa grande discrétion et sa volonté de rester toujours dans l’ombre, elle a eu de hautes récompenses notamment en Pologne.
Elle a été nommée Chevalier de l’ordre du Mérite, la Légion d’Honneur était prévue mais la maladie nous a pris de cours.